Belafonte: encore
novembre 21st, 2010Ne rier pas du poids
octobre 19th, 2010Je suis victime de librus eternus, le syndrome du carnet inachevé, celui qui assiste au commencement des autres avant d’être fini lui-même.
Pour faire simple, j’ai au moins trois projets typographiques en cours, dont Fengardo, évidemment. Je n’ai pas vraiment le temps de les développer pour l’instant, du vrai travail m’occupe par ailleurs, ce qui est aussi une bonne chose. Et pourtant, j’ai quand même trouvé le moyen de planter une nouvelle idée dans mes heures creuses, celle d’un exercice de style autour de mon vif intérêt pour la typographie à vocation publicitaire de la fin du XIXe, imposante et brutale.
Comme mordre à chaque hameçon de mes inspirations aux qualités très nivelées serait dangereux pour ma santé mentale, j’ai choisi d’en faire un exercice (de style donc) en temps limité; ce qui pourrait aboutir sur quelques fontes libres, sans aucunes prétentions celles là.
Ainsi, je suivrais les traces du mec qui a développé le principe de la sarbacane à piston fabriquée à partir d’un effaceur au marquage bleu marine de type barbershop, couplé à la capsule phalloïde d’un stylo à bille Reynolds™. C’était une idée simple mais efficace qui fut rapidement mise au service de l’emmerdement maximum dans de nombreux collèges de France, et simplement diffusée grâce à la modestie de ses éléments constitutifs et son coût quasi-nul (même s’il fallait parfois se priver de sa capacité de correction, i.e. sacrifier l’effaceur, afin de prendre part à la bataille imminente).
Loin de moi l’idée d’emmerder le monde, ni même d’inventer quoi que ce soit, je songe surtout à faire de ces exercices un terrain d’expérimentations simples qui, à l’occasion, pourrait prendre une forme utile à d’autres.
L’idée est lancée, je suis déjà curieux de sa durée de vie.
Je dis beaucoup graisse, c’est mal. En fait je voulais ‘juste’ introduire la tentative créative en cours, simple, grasse et capitale. Elle a coûté environ 6 heures jusque là (sur 5 jours), et je ne lui en accorderait guère que 4 de plus pour s’étoffer en un simplissime, et volontairement irrégulier, caractère de titrage.
Corbeille
septembre 7th, 2010Je me trouvais dans un train à destination de la campagne alsacienne avec l’intention accessoire de rendre un livre. Comme le trajet était connu, je me suis replongé dans le livre en question: le fac-similé d’un ouvrage achevé d‘imprimer en 1529, Champfleury.
Il m’avait été prêté par l’ami de lettres à qui je rendais visite, lequel avait dû estimer que ma typomanie m’inclinerait à en apprécier le contenu, ce que l’intitulé exact du livre – Art et science de la vraie proportion des lettres – suggérait également. Même pour un modeste initié de l’imprimé ancien, la graphie et la fantaisie orthographique de cette écriture imposent de consacrer de 5 à 10 minutes par page pour être à peu près sûr d’en avoir extrait la substantifique moelle. Avant de traiter de la partie qui confère sa valeur à cet ouvrage, à savoir le propos typographique, l’auteur – GEOFROY TORY – s’étale sur les raisons qui font de la langue française l’expression parfaite de l’excellence naturellement française…
Cette merveille de démonstration peut se lire avec une ironie amusante puisque le français de l’auteur, qu’il considère comme le plus noble et abouti de son temps – par opposition à celui des escumeurs de latin, plaisanteurs et jargonneurs –, est une merveille d’anarchie orthographique et typographique (pour l’œil contemporain).
À sa décharge, notons que l’Académie Française, à laquelle Richelieu a confié la tâche de régler ce problème récurrent jusqu’alors, n’a été créée qu’un siècle plus tard. Il n’est pas rare de voir écrit de quinze à dix-sept que les français ne sont autres que les descendants légitimes des romains, et qu’à ce titre, le français n’est que le successeur naturel du beau latin des poètes, historiens & dramaturges antiques.
Si fiers nous sommes, de nos Républiques, de nos Sénats; un autre homme de petite taille avait même ramené le titre de Tribun dans ses ordres, un peu avant d’inventer la Légion d’Honneur… Mais ce qui est devenu banal grâce au martèlement presque subtil d’une éducation francque, prend une forme encore plus géniale avec l’auteur de ce livre. Lui, évoquant l’appui d’autheurs dignes de foy, en vient à nous expliquer que les Romains, et les Grecs de même, étaient bien gentils mais que si nous sommes Saint-Émilion, ils s’assemblaient en une piquette de qualité supérieure, ce que leurs propres mythologies ont la gentillesse de corroborer. La belle analogie qui permet de célébrer notre nation comme crème de la crème de l’humanité est illustrée par le mythe d’Hercules.
En vous épargnant le détail de ce qui fait d’Hercules un être profondément sage, raisonné et donc français, relevons simplement que la preuve de notre grandeur repose sur le fait de souligner qu’Hercules est, chez les auteurs Latins & Grecs, Hercules Gallicus, et non Hercules Latinus ni Hercules Græcus; CQFD donc.
Personnellement, et j’assume d’être terriblement seul dans ce cas, je trouve ce genre de détails amusants. Ils représentent les discrètes racines d’une mentalité qui parfois m’exaspère mais le plus souvent me fait rire, puisqu’elle est notre façon infantile d’être fiers d’au moins une chose, notre appartenance à ce grand peuple, édificateur grandiloquent d’une humanité meilleure…
À ceux que les cours d’Histoire n’ont pas rendu purulents d’allergies, je propose de jeter un œil superficiel à cinq siècles d’évolutions linguistiques et typographiques grâce à un extrait choisi de l’ouvrage mentionné dans le précédent propos, sans but assumé.
Racines
août 30th, 2010Ritornare
août 21st, 2010Fuori dal mondo – Ludovico Einaudi
[Dzr]
En terre cisalpine, j’ai respiré l’air du changement, vu quelques fantômes d’Histoire et pris un plaisir particulier à fuir la rôtisserie. Je trouve le brun sale, fieffé royaliste que je suis. Mais même sans fuir les bancs de la crèmation, je n’aurais craint aucune peine solaire puisque par bonheur les nuages avaient l’avantage et prenaient à cœur leur rôle d’ombrages sinophiles, orfèvres d’une lumière généreuse.
Entre deux monts, je me suis recueilli sur la prison du légendaire homme au masque de fer et de Fouquet, qui est certainement responsable de toute la débauche qui règne en France depuis qu’il a déplacé la virgule sur son compte en Vaux, aux dépens du contribué royal.
Après cette larme versée sur la fortune de Mazarin et l’héritage de Louis Soleil que ça n’a pas trop handicapé, il a fallu rejoindre les eaux et là s’est produit ce qui me surprend presque chaque année : un anniversaire.
Le jour amorçant ma vingt-quatrième année a débuté à l’aurore, sur un orage d’été. Mon esprit était dans ses affaires, mon cœur rangeait sa cellule et la pluie sur cette terre plus coutumière de l’astre qu’elle chante était un cadeau suffisant.
Puis je suis allé voir la mer, pour la seule raison qu’elle était furieuse. Rassasié d’embruns je suis retourné à la bonne auberge, je me suis entraîné au saut à l’élastique en salle et j’ai emménagé dans un palais de marbre, mais pas n’importe lequel puisque c’est celui de David et que lui-même n’est plus tout jeune.
Ensuite, ou avant je ne sais plus trop, j’ai pris la route de Parme, j’avais un peu faim. La visite fût brève mais riche en émotions. J’ai enfin trouvé une Florence modeste, avec –90% de touristes; bon, David n’y a jamais été, ce qui est quand même dommage. En plus de cette découverte qui vaut son pesant de carrelage, j’ai appris en entrant dans une église – l’eusses-tu cru – que je faisais malgré moi un pèlerinage sur les terres glorieuses de Giambattista Bodoni, détail cartographique qui m’avait échappé jusque là. J’en fus fort ému et je dû mourir sur le champ – enfin, sur le sol de la nef – d’où la fin de ce récit, immédiate.
‡« I was born in a summer storm, I live there still. »
Fengardo, fonte libre*
juillet 24th, 2010…au téléchargement.
Aujourd’hui est un jour comme un autre, sauf qu’aujourd’hui, je me fais Jean-Jacques et je Donne.
J’ai vécu une grossesse difficile. Il aura fallu que mon perfectionnisme du dimanche trouve un terme dans l’écoute des sages voix de quelques pairs amicaux, pour que je me décide enfin à assumer cette fonte comme terminée et à la rendre disponible .
Quand je dis « rendre disponible », je parle évidemment de gratuité et il y a plusieurs raisons à cela. La première de toute est sans doute que je me suis toujours considéré comme un Jean-Michel Jarre de la typo, un amateur gentil & passionné mais dont les ambitions dépassent les qualités. Ensuite, je suis issu de cette merdeuse génération du tout-gratuit qui n’a jamais compris que la musique, le cinéma, et accessoirement la typo, ça se paye puisqu’il s’agit du fruit d’un travail conséquent. Induit par ma condition, je ne crois guère en la plupart des modèles économiques existants dans le monde de la typo. Celui qui m’a le plus convaincu jusque là est celui de Jos Buivenga, qui diffuse gratuitement les graisses de base de ses fontes et fait payer les graisses supplémentaires d’un usage parfois secondaire. Il donne ainsi l’occasion aux utilisateurs de se familiariser avec le caractère et je pense que l’achat d’une famille est plus évident suite à cette expérience. Maintenant, je ne sais rien de ses résultats financiers avec ce fonctionnement et j’ai cru comprendre qu’il n’avait pas vraiment essayé d’en vivre; ça tombe bien, je ne compte pas essayer non plus. Enfin, je n’ai pas la prétention de produire un travail de qualité professionnelle, surtout en regard de certains standards élevés en matière de finition (kerning, hinting and co).
J’avais d’abord envisagé de diffuser une version 0% avec un set de base et le strict nécessaire pour les usages les plus courants. Et puis je me suis dit que c’était absurde puisque j’avais dessiné plus que ça, par ailleurs j’avoue avoir eu la flemme de faire des coupes franches dans l’Opentype.
Il s’agit donc d’un joli petit bébé de 400 glyphes et des brouettes, le set de base, chiffres elzéviriens par défaut, chiffres alignés proportionnels et tabulaires en Opentype, Small Caps, quelques formes historiques, variantes de titrage, etc. Juste pour rire, la fonte couvre l’utilisation de ces langues là: albanais, allemand, anglais, basque, bokmål norvégien, catalan, cornique, danois, espagnol, estonien, féroïen, finnois, français, galicien, galla, grec, indonésien, irlandais, islandais, italien, malais, manx, néerlandais, nynorsk norvégien, portugais, somali, suédois, swahili. La dernière est ma préférée, puisque le Roi lion pourra déclarer sa flamme à sa femme en fengardo et en version originale.
Plaisanterie linguistique et médiocre mise à part, je dois remercier les acteurs discrets de cette production, à commencer par les précepteurs qui m’ont inoculé le bacille du typographe, les amis qui me souffrent, ceux qui m’éduquent, ceux qui font vivre ma verve typographique, et les bêta-testeurs qui ont apprécié ce caractère même lorsqu’il était tout bonnement hideux.
Allez hop, on passe à la caisse maintenant:
Fengardo par Loïc Sander est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité — Pas de Modification 3.0. Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être discutées par ici: loic (at) akalollip (dot) com
*****
Quant à ceux que mes états d’âme sur la naissance de Fengardo intéressent, vous pouvez poursuivre, munissez vous d’un grand verre de Banga™ et bonne chance.