Montaigne au Visorion
janvier 24th, 2012J’aime le livre, l’objet livre, et je suis un lecteur difficile. Entendez par là que je lis peu et que mon plaisir de lecteur est gravement subordonné au sujet du texte et à la qualité de l’écriture; j’imagine qu’il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. Mais cette attitude a pour conséquence que ma culture littéraire est quasi-nulle parce que je fonctionne en pensant par défaut que tout est mauvais. J’ai une amie qui trouve ça triste, elle a sûrement raison. Du coup, toute chose qu’une circonstance quelconque m’a poussé à lire et qui s’est avérée bonne me rend enthousiaste. Je n’ai jamais lu les Essais de Montaigne et je ne sais pas si je les lirai un jour; la qualité des classiques français m’échappe par l’inertie d’un préjugé malheureusement trop bien ancré, j’ai peine à faire le premier pas pour les lire.
Pourtant, j’ai maintenant un exemplaire tout à fait unique de ce livre et je veux au moins vous parler de l’objet. Pour replacer l’arrivée sur mes étagères de ce livre un peu particulier dans son contexte, je dois raconter la petite histoire de ma rencontre (pour l’instant virtuelle) avec Pascal Marty, fondateur des Éditions du Visorion, à la démarche singulière. Pascal m’a contacté un jour parce qu’il avait lu une de mes interventions sur le forum du Typographe, au sujet du manque de didones appropriées pour un usage en texte courant. Il venait me demander si je connaissais des caractères existants qui répondaient à ces critères. À ce moment-là, le Bréviaire était encore un caractère que je dessinais pour mon plaisir et sans ambition particulière. Mais face à l’opportunité de lui trouver un usage concret, j’ai proposé à Pascal de le reprendre plus sérieusement pour le développer et en faire une fonte utilisable pour son projet. Le projet en question est une édition en fac-similé (intégralement recomposée) du Traité de Typographie d’Henri Fournier, des années 1820–30. C’est cet incident qui m’a fait tirer le Bréviaire en direction des types Didots classiques, tout en conservant les proportions globales définies en premier lieu (gros œil & délié peu contrasté pour une didone).
Le Traité est en cours d’élaboration dans les ateliers du Visorion, mais pour me remercier de lui avoir fourni un caractère adequat pour ce prochain livre, Pascal a tenu à m’offrir un exemplaire du premier ouvrage composé, imprimé et relié par ses soins, Les Essais de Montaigne. Autant vous dire que la valeur de l’échange me paraît bien déséquilibrée et c’est moi qui suit maintenant reconnaissant de disposer d’un tel opus dont la facture dissimule mal les très nombreuses heures de travail qui ont dû être nécessaires à sa réalisation.
La Hague
janvier 2nd, 2012Habituellement on pense à marquer la fin d’une année et le début de la suivante. Je ne trouve pas que ce soit une occasion à fêter, mais un moment à partager, peut-être. Le séjour sur les côtes bretonnes et normandes de cet été avait laissé l’envie de revenir dans le coin au moment de franchir le seuil annuel. Et c’est bien là que nous avons pu aller, à l’extrémité du Cotentin, dans le petit recoin qu’est La Hague, célèbre surtout pour sa merveilleuse centrale de retraitement des combustibles nucléaires usagés. Outre cette verrue industrielle, c’est une région préservée, rurale, avec un charme certain et probablement radioactif. Mais pour quelques jours seulement, le plaisir ne s’en est pas trouvé gâché.
Et quand au retour d’une marche humide, les uns et les autres se préparaient des boissons calorigènes, j’observais un ballet régulier.
Vogesia
décembre 27th, 2011Elzevier
décembre 26th, 2011Ça fait de nombreux mois que je suis dans les types des Didot. Je me suis laissé absorber dans cet univers au répertoire formel particulier et je n’ai eu aucune raison d’en ressortir puisque j’utilisais le caractère que je suis en train de dessiner dans une application pour iPad (édition numérique) sur laquelle j’ai travaillé les neuf derniers mois. Maintenant que ce chapitre éditorial est clos, nous (Mnestra) travaillons à la suite et à de nouveaux sujets. Un de ces sujets va sans doute nous amener dans les Pays-Bas du XVIIe siècle et si le sujet de la première application, Van Gogh, me permettait très légitimement d’utiliser un didot, il serait moins opportun d’appliquer exactement ce même traitement typographique au second sujet, même s’il est envisagé dans l’esprit d’une collection. Et c’est comme ça que j’arrive à la typographie Néerlandaise du XVIIe siècle, un siècle d’or. Des caractères inspirés de l’âge d’or de la typographie néerlandaise, il en existe. Mais à mon goût, ils sont soit plutôt beaux et hors de prix (comptez trois zéros pour une famille), soit des réinterprétations qui n’ont pas les qualités que je recherche. Assez souvent, et on revient à la question qui m’a fait commencer le Bréviaire, ces interprétations sont faites à partir des poinçons, ce qui ne restitue pas l’image du caractère qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse dans le cas d’une édition qui évoque une période, c’est l’image imprimée de la lettre. Alors j’ai jeté un œil au travail d’imprimeur des associés Bonaventure et Abraham Elzvier, oncle et neveu, installés à Leiden. Leurs livres sont parmi ceux qui ont une certaine réputation chez les bibliophiles, notamment pour la qualité des compositions en petits corps qui restent néanmoins agréables à lire. Les caractères n’y sont pas pour rien (étroits & robustes). Sans aller dans l’imitation précise, ni tenter le moindre effet qui nécessiterait un travail colossal pour échapper à la médiocrité, j’ai tenté d’aboutir à une restitution de cette typographie néerlandaise qui me convienne. C’est un travail de petite ampleur qui n’a pour objectif immédiat que de servir à des compositions que je suis susceptible de faire dans les prochains mois. À ce titre, la base est déjà prête et exploitable. Mais au-delà de mes besoins imminents, j’ai ouvert une nouvelle boîte qui amène son lot de découvertes et de développements, autant vous dire que cette affaire n’est pas classée. Néanmoins, je vais me discipliner et revenir à mon didot, qui avance et devrait se terminer, je l’espère, vers la fin du premier trimestre de 2012 (?).