Gravure lapidaire à l’IMEC, Caen
juillet 30th, 2013Petrolatum
juillet 12th, 2013Pieces of London
avril 26th, 2013Absurdes calendriers
avril 4th, 2013« Du temps de Charlemagne, on commençait l’année à Noël en France et dans tous les pays soumis à la juridiction du grand empereur. Ce jour était doublement célèbre, comme fête de la naissance du Christ et comme jour du renouvellement de l’année; cette vieille coutume a laissé des traces impérissables dans les habitudes saxonnes, car aujourd’hui encore, chez les Allemands et chez les Anglais, le jour de Noël est fêté avec beaucoup plus d’éclat que le 1er janvier. Il eût été plus logique et plus agréable à la fois de clore l’année avec l’hiver et de la commencer avec le retour du soleil, c’est-à-dire de fixer ce renouvellement à l’équinoxe de printemps, à la date du 21 mars, ou de le laisser au 1er mars, tel qu’il était il y a deux mille ans. Loin de là, on a été justement choisir la saison la plus désagréable qu’on ait pu imaginer, et c’est au milieu du froid, de la pluie, de la neige et des frimas qu’on a placé la fête des souhaits de bonne année ! Il y a déjà plus de trois cents ans qu’on a pris cette habitude en France, car elle date d’un édit du triste roitelet Charles IX (1563). Elle n’a été adoptée en Angleterre qu’en l’an 1752, ce qui donna lieu à une véritable émeute; les dames se trouvaient vieillies, non seulement de onze jours, mais encore de trois mois, puisque le millésime de l’année se trouva changé à dater du 1er janvier au lieu de l’être au 25 mars, et elles ne pardonnèrent pas cette surprise au promoteur de la réforme; les ouvriers, d’autre part, perdant en apparence un trimestre dans leur année, se révoltèrent avant de comprendre qu’il n’y avait là qu’une apparence, et le peuple poursuivit lord Chesterfield dans les rues de Londres aux cris répétés de: Rendez-nous nos trois mois ! Mais des almanachs anglais de l’époque assurèrent que toute la nature était d’accord, et que les chats eux-mêmes, qui avait l’habitude de tomber sur leur nez au moment où l’année se renouvelle, avaient été vus se livrant au même exercice à la nouvelle date. Les Napolitains avaient déjà affirmé d’autre part qu’en 1583, le sang de saint Janvier s’était liquéfié dix jours plus tôt, le 9 septembre au lieu du 19 ! Ces arguments superstitieux ou puérils valent ceux des Romains qui prétendaient tromper le Destin en appelant «deux fois sixième» bissectus, au lieu de septième, le jour intercalé en février tous les quatre ans. Par ce subterfuge, février n’avait toujours que 28 jours et l’on évitait un sacrilège et de grands malheurs publics. Ce jour supplémentaire étant ainsi caché entre deux autres, les dieux ne le voyaient pas !
Non seulement cette fixation du commencement de l’année au 1er janvier est illogique et désagréable, mais elle ajoute encore aux irrégularités du calendrier en changeant le sens des dénominations des mois de l’année. L’année romaine commençait le 1er mars, et les douze étaient ainsi réglés :
- Mars, dieu Mars
- Aprilis, Aphrodite (Vénus) ou aperire (ouvrir)
- Maïa, déesse Maïa
- Junius, déesse Junon
- Quintilis, cinquième
- Sextilis, sixième
- September, septième
- October, huitième
- November, neuvième
- Décember, dixième
- Januarius, dieu Janus
- Februo, dieu des morts
Le premier mois était consacré au dieu de la guerre, patron suprême des Romains, le dernier au souvenir des morts. Quintilis et Sextilis sont devenus Julius et Augustus, pour honorer la mémoire de Jules César et d’Auguste. Tibère, Néron et Commode essayèrent de se faire consacrer les mois suivants; mais heureusement pour l’honneur des peuples, cette tentative ne réussit pas. Aujourd’hui, le mois auquel nous avons conservé la dénomination du 7e mois de l’année, septembre, se trouve être le 9e mois ; octobre (le 8e) se trouve être le 10e ; novembre (le 9e) se trouve être le 11e, et décembre (le 10e) est devenu le 12e et dernier. Conçoit-on des désignations plus absurdes ? Et tout cela pour avoir porté le commencement de l’année de mars où le printemps s’annonce, en janvier, où le temps est généralement le plus sombre et plus le plus triste du monde ! »
Camille Flammarion dans Astronomie populaire, 1890, extrait.
Heimdallr
mars 18th, 2013Si un jour, sur un coup de tête, vous ressentiez subitement l’envie de vous lancer dans une étude critique de la mythologie nordique, je peux vous dire que vous risquez de rencontrer quelques complications. Si on a eu une enfance européenne à peu près normale, il est très probable que l’on connaisse l’une ou l’autre histoire qui met en scène Thor et son marteau, Odin le savant borgne, ou le fourbe Loki. Il est cependant moins probable qu’il nous soit arrivé de nous demander d’où ces histoires viennent. Si quelqu’un nous pose la question, nul doute que notre imagination nous enverra quelque représentation d’une grand-mère viking racontant ces histoires à de jeunes enfants dont les pillards de pères sont occupés à écumer les côtes d’Europe. Pourtant, cet imaginaire est aussi fondé que celui qui nous ferait dire que ces histoires viennent d’un habitant de l’actuelle Turquie arrivé en Scandinavie sur un pédalo. Mais on peut imaginer que ce n’est pas vraiment ce qu’un amateur de mythologie nordique a envie d’entendre.
Ce qu’on sait de l’origine de ces histoires est au final assez maigre si on le compare à l’institution qu’est devenue la mythologie scandinave dans la culture populaire actuelle. Pour résumer de façon bien trop succincte, les histoires de Thor, Odin & Loki que nous connaissons viennent de textes rédigés au moyen-âge par des lettrés chrétiens. Il est donc bien impossible de déterminer l’ancienneté de ces histoires. S’il ne fait aucun doute qu’elles constituent un patrimoine du Nord de l’Europe, on ne peut pas vraiment les associer fermement à l’une ou l’autre peuplade qui occupait le Nord il y a plus de 1000 ans. On peut encore moins faire de la mythologie nordique une religion qui aurait unie les ancêtres des Islandais, des Danois, des Norvégiens et des Suédois dans une même croyance.
Malgré des sources écrites divergentes et peu nombreuses, la mythologie nordique est devenue le sujet d’images fortes; difficile de ne pas se représenter Thor en viking sous stéroïdes un marteau à la main en lieu de hache. Là encore, concernant la représentation des histoires du Nord, le public a des attentes. Aller de façon brutale à leur encontre, c’est prendre le risque de n’être jamais lu, un risque éditorial dont essaye de se passer n’importe quel éditeur soucieux de la santé financière de son entreprise.
Dans le contexte d’une édition numérique sur iPad traitant précisément de la mythologie scandinave, il a fallu que je me prête à l’exercice délicat de créer un univers visuel familier pour le lecteur amateur d’anciennes choses nordiques. Ce faisant, le danger était de tomber à pieds joints dans la marmite évidente du graphisme folklorique. Alors pour éviter une telle déconvenue, je m’en suis remis à l’histoire, au visuel authentique: à l’écriture et à l’artisanat du Nord ancien. Cette approche a mené, entre autre, à l’élaboration d’un caractère typographique particulier.
Ce caractère, pour l’instant baptisé Heimdall (le gardien du pont qui lie le monde des hommes à celui des dieux), a d’abord été développé pour un usage précis au sein de cette édition: la composition des textes en vieil islandais. Comme la publication comporte un nombre assez important de citations dans leur langue d’origine, il m’a semblé utile (et visuellement intéressant) de rendre leur présence systématiquement évidente. L’avantage de cette idée, c’est qu’elle offrait une belle opportunité de renforcer le semblant d’authenticité donné à l’ambiance visuelle de la publication numérique. Les textes originaux sont écrits dans des formes de gothiques primitives qui par un heureux hasard sont encore criblées de formes semi-onciales, des formes qui dans l’imaginaire collectif évoquent le moyen-âge, les moines irlandais, les vikings et autres personnages obscurs habillés de sacs à patates avec une épée à la ceinture. C’est pour ces raisons que je me suis tourné vers les manuscrits originaux de la mythologie nordique pour servir de base au dessin typographique. Le résultat est un caractère inspiré de l’ancien mais dont je n’ai jamais voulu faire une antiquité. En le dessinant (avec la participation de Laurent Bourcellier), nous avons repris un certain nombre de particularités trouvées dans les manuscrits, ce qui lui confère un rythme et une couleur animés mais le rend moins évident à lire qu’un caractère d’usage commun en texte. Bien heureusement, les textes qu’il sert à composer sont écrits en vieil islandais: la part de lecteurs en mesure de se plaindre de la difficulté qu’ils ont à lire ces textes audacieux ne devrait pas représenter un danger trop important. Mais pour me rassurer, je pourrais rapporter que des lecteurs aptes – des chercheurs en mythologie nordique – se sont plutôt réjouis de retrouver leurs textes d’études dans une forme proche des manuscrits qu’ils connaissent si bien.
Je tiens à (re) souligner l’inestimable collaboration de Laurent Bourcellier sur ce projet.
Pierres à l’édifice
mars 9th, 2013Bien avant la tarte flambée et la choucroute, Strasbourg a de remarquable sa cathédrale. Par le raffinement de sa réalisation et ses dimensions, elle offre un spectacle qui occupe facilement des heures et comble toutes sortes de curiosités. Cette construction est particulière parce qu’au-delà des changements et désaccords récurrents lors de sa construction, elle a fini par mettre tout le monde d’accord sur sa valeur; toutes les confessions, toutes les nations et tous les peuples qui ont pris la direction de la cité un jour se sont appropriés l’édifice. En descendant des Vosges vers la ville, La vue sur cette tour gigantesque et seule dans la plaine du Rhin est presque surnaturelle, et il ne manque pas d’auteurs qui ont ressenti le besoin de décrire cette perspective. Mais si la bâtisse conserve beaucoup de sa splendeur, c’est grâce à l’entretien assuré sans interruption par la fondation de l’Œuvre Notre-Dame, assise au pied de la cathédrale depuis au moins sept siècles. Malgré l’histoire tumultueuse de la région et de la ville, l’Œuvre Notre-Dame a toujours été considérée comme une organisation dont la disparition aurait des conséquences catastrophiques, parce qu’elle signifierait la dégradation de ce joyau d’architecture religieuse. Alsaciens, Français, Allemands, tous ont fait en sorte que cette fondation puisse continuer à œuvrer pour la sauvegarde de la cathédrale.
L’entretien du bâtiment implique un grand nombre de savoir-faire dont un certainement central, la taille de pierre. L’Œuvre Notre-Dame abrite donc un atelier de taille de pierre dont la tâche principale et de rénover les parties usées et érodées de la cathédrale. C’est un atelier au sein duquel se pratiquent encore les techniques ancestrales, avec les outils anciens, ou leurs équivalents modernes selon les contraintes de temps et la facture qu’on souhaite obtenir. C’est un lieu un peu hors du temps qui forme des apprentis en les laissant se développer pleinement selon le rythme qui est le leur. Cet atelier, comme le reste du monde, est sujet à des concurrences économiques, mais c’est sans doute dans son rôle de conservatoire de la taille de pierre que se trouve sa principale valeur.