Corpus

La ‘révo­lu­tion‘ numé­rique, avec tout ce qu’elle a apporté d’avantages pra­tiques, a éga­le­ment fondu des mor­ceaux de culture et pra­tiques typo­gra­phiques qui don­naient quelques lettres d’expertises sup­plé­men­taires aux métiers de la typo­gra­phie. Les poin­çons qui devaient être gra­vés à la taille réelle du corps que l’on sou­hai­tait fondre deman­daient un temps de tra­vail impor­tant, un œil expert et une main aguer­rie. L’avantage que com­por­tait la gra­vure à taille réelle, c’est qu’on était à peu près sûr (selon la qua­lité du gra­veur) d’avoir un carac­tère adapté à l’usage prévu, du texte, du titre ou de l’annonce de plus gros corps. Cette qua­lité des carac­tères s’est dis­si­pée au fil des évo­lu­tions tech­niques suc­ces­sives jusqu’à deve­nir un fan­tôme avec l’avènement de la pho­to­com­po­si­tion puis de l’informatique. On a été tel­le­ment éba­his par la faci­lité avec laquelle un seul des­sin de lettre pou­vait être dimen­sionné à loi­sir qu’on en a oublié que l’échelle du des­sin confère des qua­li­tés par­ti­cu­lières de res­ti­tu­tion à l’échelle choi­sie et anti­ci­pée. Il y a eu, et il y a encore, des carac­tères numé­riques qui reprennent ce prin­cipe des des­sins des­ti­nés à des échelles pré­cises – les fameux corps optiques – mais ce genre de créa­tions, parce que plus longues à déve­lop­per et plus contrai­gnantes à uti­li­ser, res­tent mar­gi­nales. À vrai dire, dans cer­tains cas, conce­voir des corps optiques seraient de l’excès de zèle et on peut s’en pas­ser assez sou­vent pour que leur rela­tive rareté ne soit pas un fait plus regret­table que ça.

À l’époque du plomb, on dis­po­sait de moins de tailles de corps, puisqu’il fal­lait toutes les gra­ver une à une, alors que l’informatique per­met vir­tuel­le­ment de com­po­ser dans une infi­nité de tailles, avec des valeurs de points impro­bables et déci­males. Aujourd’hui, nom­mer une taille de corps autre­ment que par sa valeur chif­frée n’aurait que peu de sens puisque cette valeur est d’une varia­bi­lité infi­nie, mais autre­fois, chaque taille usuelle avait son petit nom. J’ai trouvé la liste de ces noms (en fran­çais) dans le Traité de la typo­gra­phie édité par Henri Four­nier dans les années 1820 (l’édition que j’ai consulté est de 1825 mais je ne suis pas sûr que ce soit la pre­mière). Comme ce traité est une des rai­sons qui me fait tra­vailler sur la créa­tion d’une didone, et que cette didone me fait m’intéresser aux corps optiques (autre­ment que H&F-J), je poste cette liste com­po­sée dans ledit carac­tère, en l’état.

Cette liste sou­lève quelques ques­tions puisque cer­taines équi­va­lences ne sont pas confir­mées de toutes sources, notam­ment le Tris­mé­giste qui est ici défini comme le corps de 33 points alors qu’on trouve aussi l’équivalence de 36 points (plus fré­quente il me semble). De même, un Cicéro cor­res­pond nor­ma­le­ment à 12 points. Je me suis demandé s’il s’agissait d’erreurs, et si c’est le cas, elle ont été par­fai­te­ment repro­duites dans une édi­tion de 1826. J’aurais donc ten­dance à pen­ser que ces varia­tions tiennent au sys­tème de mesure typo­gra­phique employé, puisque les points ont eu des valeurs variables selon leurs ori­gines (P-S. Four­nier, Didot, etc. ?), mais sur­tout parce que c’est peu ou prou (et à la louche) à cette époque que les nomen­cla­tures du genre se sont éta­blies d’où, je sup­pose, les irré­gu­la­ri­tés. En tout cas, cette liste per­met aussi de rap­pe­ler que la liberté nou­velle de com­po­ser à la taille qui nous plaît n’est pas for­cé­ment un béné­fice absolu, et que ten­ter des com­po­si­tions avec ces rap­ports de tailles fixes* peut par­fois pré­sen­ter un inté­rêt, ne serait-ce que pour un exer­cice de style.

*Je parle de rap­ports de tailles parce que les points ‘infor­ma­tiques’ sont ceux du sys­tème Pica et non Didot (ou Four­nier) en usage dans cette liste.

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